Portail palliatif canadien et autres ressources : un point de vue du Nunavut

Médecin de famille, Hôpital général de Qikiqtani, Iqaluit, Nunavut

Il y a quelque chose de très émouvant à survoler l’océan Arctique au printemps, dans le plus grand calme. Contempler en contrebas la magnifique courtepointe que composent les plaques de glace dans une infinie palette de formes et de tailles est une expérience incomparable. On se sent minuscule et éphémère, mais également débordant de joie et d’émotion face à l’aventure de la vie humaine, aussi merveilleuse que brève.

On m’a invitée à écrire sur les soins palliatifs au Nunavut. C’est l’ampleur du territoire qui s’étend à perte de vue et la splendeur fractale de ces motifs de glace qui m’ont convaincue de prendre la plume alors que ce grand tube d’acier ailé me ramène à la maison à vive allure. Écrire m’aide à digérer mes expériences. En tant que médecin, grâce au récit, je tire toutes sortes d’enseignements des incroyables histoires humaines dont nous avons tous le privilège de faire partie, ces histoires qui m’émerveillent. L’écriture est aussi un outil précieux, garant de bonne santé; elle atténue les effets que les traumatismes que j’ai pu observer chez mes patients, entre autres, ont laissés dans ma chair; elle favorise le processus de deuil.

Le Nunavut est grand. La géographie et différents systèmes de santé conditionnent les choix qui s’offrent à la population des hameaux arctiques, répartis sur trois fuseaux horaires. Ceux et celles qui se sentent aimés et soutenus comme il se doit par le personnel infirmier de la communauté et leur famille choisiront de rester à la maison, dans des endroits comme Kimmirut ou Qikiqtarjuaq. Cette solution fera de nombreux adeptes. En revanche, pour certains Inuits et d’autres qui ont fait du Nunavut leur terre d’accueil, vivre à des heures en avion de l’hôpital le plus proche est un facteur anxiogène. Pour cette raison, entre autres, ces personnes préfèrent passer les derniers jours ou les dernières semaines de leur vie dans des établissements de soins palliatifs à Iqaluit ou même dans le sud du Canada.

La plupart des Canadiens choisiraient de mourir à la maison si l’occasion leur en était donnée; j’ai donc été surprise d’apprendre que certaines familles se sentiraient abandonnées si on leur proposait cette option. D’un point de vue historique, la colonisation du Nord a donné lieu à la création de services de soins de santé qui, tout en prolongeant souvent la vie, en « rafistolant » les malades et en semant le bien, a aussi considérablement réduit l’autonomie des patients et forgé la conviction, pour certains, que maladie et mort rimaient toujours avec lourdeur des soins en établissement. Il n’y a pas si longtemps, des navires sont arrivés dans l’Arctique canadien et ont emporté vers le sud plus de 5 000 Inuits atteints de tuberculose pour les soigner; nombre d’entre eux n’ont jamais revu leur famille et, les dossiers ayant été mal tenus, sont enterrés à des milliers de kilomètres du lieu où ils ont grandi. Aujourd’hui, au Nunavut, les soins dispensés aux cancéreux exigent encore, dans la presque totalité des cas, d’obtenir la plupart des diagnostics et des traitements dans le sud du pays.

Depuis un an, les partisans de l’amélioration des soins palliatifs au Canada auront constaté que les médias ont abondamment couvert la question. Nous espérons que les familles et les communautés partout au Canada, y compris dans le Nord, l’auront remarqué et commenceront à s’interroger, à aborder la question de la fin de la vie. Il est probable que chaque adulte ou presque s’est demandé un jour ce qu’un être cher ayant une maladie grave ou sur le point de mourir aimerait si jamais celui-ci était incapable de l’exprimer par lui-même.

Il est tout à fait troublant d’apprendre dans les médias grand public qu’une bonne partie de la population ressent encore un malaise quand il s’agit de penser aux soins palliatifs ou à la fin de la vie, et d’en parler. En a-t-il toujours été ainsi? S’agit-il d’un phénomène culturel? Peut-être la technologie et la médicalisation d’une expérience humaine normale, ainsi que la réduction de l’autonomie mentionnée plus haut, ont-elles contribué à créer inconfort et tabous dès lors qu’on parle de la mort. Actuellement, un partenariat issu du Nord et axé sur des recherches communautaires au Nunavut examine certaines de ces questions avec comme objectif l’amélioration des expériences des Nunavummiut, les gens du Nunavut. En tant que médecin de famille, la déconnexion entre l’oncologie et les soins palliatifs que j’ai observée à plusieurs reprises lorsque des patients s’en vont vers le sud du Canada pour être soignés constitue l’un des échecs les plus préoccupants en matière de santé. La déception est grande. Nous faisons tous ce voyage. Même si je suis jeune et en bonne santé, il est essentiel que je rédige mes directives anticipées et que j’en parle à mes proches. Ce que j’ai fait d’ailleurs.

Avec la naissance, la mort est la seule expérience humaine que nous partagions tous et sur laquelle nous n’avons qu’un semblant de contrôle. Les mains, le cœur et l’esprit du fournisseur de soins peuvent faire une immense différence dans la vie d’une personne mourante et dans celle de sa famille, quel que soit leur lieu de résidence. La confiance est essentielle pour soulager l’anxiété et la souffrance : la confiance dans les connaissances et les compétences des professionnels, certes, mais surtout dans une attitude synonyme de compassion et de bienveillance.

Nous devrions tous aspirer à donner et à recevoir des traitements dans un contexte de sécurité culturelle. Au Nunavut, les relations des mourants et de leur famille avec des fournisseurs de soins de santé qui sont rarement Inuits doivent être empreintes de respect et de confiance. Autrement dit, il ne s’agit pas uniquement de faire preuve de souplesse et d’efficacité, mais aussi de laisser à la famille la plus grande marge de manœuvre possible. L’ensemble de la population canadienne devrait connaître l’histoire des Inuits, des Premières Nations et des Métis, et prendre conscience que les relations actuelles en matière de soins de santé font partie intégrante du processus de réconciliation. Personne n’a le monopole de la bonne façon de mourir. Dans toute la mesure du possible, nous devons aider la personne en fin de vie à créer un espace de paix, soulager sa souffrance, lui prodiguer des soins compétents et l’envelopper de bienveillance.




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